Bio et AOC : l’oignon de Roscoff cumule les succès

Le pays du Léon, situé en Bretagne, ravitaille la France entière en choux, artichauts, alliums… Dans cette zone légumière léchée...

Le pays du Léon, situé en Bretagne, ravitaille la France entière en choux, artichauts, alliums… Dans cette zone légumière léchée par la Manche, Luc Calvez fait fructifier son Potager bio du Kernic grâce, notamment, à la star du pays : l’oignon rosé de Roscoff.

Oignon roscoff tressé

Fleuron de l’exploitation, les oignons rosés de Roscoff sont vendus tressés.

Le Potager du Kernic, situé à Plounévez-Lochrist, dans le Finistère, s’étend sur 17 hectares ; là, Luc Calvez y cultive oignons, échalotes, choux-fleurs et environ 6 hectares de céréales, période de repos accordé à la terre. En plus de ces cultures traditionnelles, ses serres de 9000 m2 abritent tous les légumes d’été, courgettes, salades, pommes de terre primeur, tomates anciennes, poivrons, aubergines, concombres… Mais ce qui fait la particularité du Potager du Kernic, ce sont ses oignons qui affichent fièrement deux blasons : la bio et l’AOC. Plounévez-Lochrist est l’une des 24 communes sur lesquelles s’exerce l’Appellation d’Origine Contrôlée Oignon de Roscoff . “Dès 1909, on en a cultivé ici”, affirme Jean Calvez qui, à 73 ans, est la mémoire vivante de la ferme transmise à son fils. Ce dernier, né dans une lignée d’agriculteurs, perpétue la tradition de cet oignon “fait main” car, en plus de la culture sur 2 hectares, il réalise lui-même la semence d’oignon. “Je travaille avec la variété qu’a créée mon grand-père, explique-t-il. C’est donc le “même” oignon qui est produit depuis près d’un siècle au Potager du Kernic.” Toutefois, changement d’époque, changement d’objectif. “Mon grand-père cherchait, dans le travail de sélection, le rendement tandis que moi, j’essaie d’obtenir un oignon “grappable”, c’est-à-dire qui se tresse bien, c’est pourquoi je ne le laisse pas grossir autant”, nuance le quadra. Ainsi présentés, ses oignons à la tunique antocianée se conservent jusqu’à 10 mois. “Mais ne les stockez jamais dans votre frigo, l’humidité leur serait fatale”, rappelle le producteur.

La semence d’oignon

La semence s’obtient en replantant de gros oignons parmi les plus beaux, sous une serre, début avril. Ils vont ensuite monter comme un poireau avec un capitule, un “pompon” porteur de fleurs. En juillet, les abeilles entrent en jeu, pollinisant les fleurs qui donnent naissance à la graine d’oignon. Le producteur récupère ces graines en août et les stocke au congélateur (il peut les garder jusqu’à 5 ans !). Luc Calvez effectue aussi cette activité de multiplication par solidarité envers ses confrères bio de la zone AOC car aucun semencier n’affiche à son catalogue d’oignon bio de Roscoff ! Sans lui et un ou deux autres confrères, il serait donc impossible de le trouver en qualité bio.

Une culture délicate

L’oignon n’aime guère l’humidité qui laisse planer sur sa tête deux menaces majeures, le mildiou, une maladie du feuillage, et le Botrytis allii, une pourriture de conservation ; toutes deux résultent de l’apparition de champignons indésirables. Mais le producteur finistérien a plus d’un tour dans son sac pour s’affranchir de ces épées de Damoclès : “Je trempe systématiquement à l’eau chaude les porte-graines – les oignons qui donneront les semences. Puis, lors de la récolte, je ne les laisse pas traîner au champ mais me dépêche à passer une lame dessous pour soulever les oignons et éviter qu’ils ne se chargent en eau. Enfin, je pratique la thermothérapie. Il s’agit d’entasser les oignons sous une bâche afin d’atteindre une température de 36 degrés pendant 4 jours.”Le désherbage est aussi regardé de très près. Pour limiter l’invasion des “mauvaises herbes”, une bâche en plastique biodégradable est posée sur les rangs. Fabriquée à partir de pulpe de betterave, elle est enfouie dans la terre ou compostée après récolte. Son coût est deux fois supérieur à celui de son homologue jetable mais elle évite de payer les frais de recyclage et répond mieux, selon le producteur, aux valeurs de la bio. La dextérité des planteurs d’oignons est aussi déterminante. Au moment de repiquer les semis, entre le 20 mars et le 15 avril, le coup de main est primordial : “Plus le trou est petit, moins on a, plus tard, de mauvaises herbes à arracher, autour de l’oignon”, explique Luc Calvez. Lors du repiquage, il ne faut pas moins de 20 personnes pendant 4 jours pour couvrir 2 ha ! Et c’est encore à la main que sont ramassées les 60 tonnes d’oignons, début août.

La star de la vente à la ferme

ferme de calvez

Luc Calvez a ouvert sur sa ferme, à Plounévez-Lochrist, dans le Finistère, un petit magasin pour mettre en valeur la diversité de ses productions.

Bien qu’il vende essentiellement en gros à deux expéditeurs de fruits et légumes bio – SARL Poder et Pro-Natura – Luc Calvez entend développer le circuit court. Le vendredi, en fin d’après-midi, son magasin propose une vingtaine de variétés de légumes à une petite trentaine de clients fidèles. Outre les classiques, la boutique initie à des légumes moins connus comme l’hélianti, une variété de topinambour dont les racines sont très appréciées et se consomment en jus, gratin ou vinaigrette. Ou encore l’Oca du Pérou, un tubercule de couleur jaune ocre, tirant sur le rose et le rouge chez certaines variétés. Sa saveur est voisine de celle de la pomme de terre, mais avec l’acidité de l’oseille en plus. Vendu de préférence au moment des fêtes de fin d’année, il se prépare de diverses manières : cuit à l’eau, frit, sauté…En été, les touristes s’arrêtent volontiers au Potager du Kernic pour découvrir les spécialités locales comme l’oignon rosé de Roscoff dont Luc vante le goût sans pareil. “Juteux et croquant quand il est savouré cru, le bulbe se défend encore mieux cuit. Là, il commence à fondre dans la bouche et le piquant s’estompe au profit de la saveur sucrée”. La tarte aux oignons faite maison est là pour le prouver !

Gaëlle Poyade

L’oignon AOC de Roscoff : de la main du producteur à celle du consommateur

AOC

L’oignon de Roscoff a reçu le label AOC le 22 octobre 2009, 6 ans après l’oignon doux des Cévennes.

Environ 600 tonnes d’oignons AOC de Roscoff sont commercialisées chaque année mais fort peu en bio. En effet, sur les 65 producteurs, seuls 4 sont, aux côtés de Luc Calvez, engagés dans cette démarche qualité et convertis à l’agriculture biologique. Pourtant, le cahier des charges AOC se rapproche des efforts des bio. Ainsi, s’il autorise les traitements chimiques durant la culture, il interdit en revanche tout anti- germinatif. De plus, chaque oignon passe dans la main du producteur qui procède à un ébarbage soigneux au cours duquel les racines sont retirées, ou bien les tresse ensemble pour donner de jolies grappes à suspendre en cuisine. Afin de limiter les échanges gazeux et prolonger la conservation du bulbe, la queue de l’oignon doit mesurer au minimum 5 cm. Enfin, l’AOC encadre le caractère saisonnier de cette production puisqu’il est interdit d’en vendre au-delà du 1er mai.

L’épopée des Johnnies

En 1828, un cultivateur roscovite, Henri Ollivier, affrète une gabarre, la charge d’oignons et, avec trois compagnons, se dirige vers l’Angleterre. Il trouve là le moyen de rentabiliser la saison morte agricole que représente l’automne quand tous les légumes d’été ont été livrés. C’est le début de l’aventure des “Johnnies”, ces “Petits Jean” qui partiront désormais chaque année en août, de l’autre côté de la Manche, pour vendre, à pied ou à vélo, leurs oignons tressés en faisant du porte-à-porte. Organisés en “compagnies”, associations saisonnières comprenant de quinze à trente membres, les Johnnies voient cependant leur nombre décliner après la Seconde Guerre mondiale pour finalement se réduire à quelques individus de nos jours. Mais le savoir-faire cultural, lui, ne s’est pas perdu, récompensé par une Appellation d’Origine Contrôlée tandis que la Maison des Johnnies et la fête de l’oignon (les 19 et 20 août prochains) perpétuent à Roscoff la mémoire de ces paysans bretons ayant pris en main leur destin économique.

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5 réponses

  1. je serait interressé par des plants d oignons de roscoff quel est le tarif pour un kilo de plant je suis de cerisiers dans l yonne les plants ou graines de ces oignons et rare (jardinier non proffessionel mais confirmé merci bonne journée noel

  2. Bonjour,
    J’ai lu avec intérêt la description de la culture de l’oignon chez vous. Je cherche, pour ma récolte personnelle, à me procurer soit des graines, soit des plans d’oignons de Roscoff. Etes-vous vous-même vendeur ? Si oui, comment passer commande et sinon, où pourrais-je m’en procurer ?
    Je suppose qu’à l »époque de l’année où nous sommes, il est trop tard maintenant pour faire le semis ?
    J’habite en Charente, près d’Angoulême. Je ne sais pas si la région convient bien à l’oignon de Roscoff ? En tous cas je ne vois jamais ici ni graines ni plans de cet oignon.
    D’avance merci de me renseigner.
    H. Billard