Sauvons notre peau ! Les enjeux de la cosmétique bio

Slogan lancé par Greenpeace à l’occasion de son guide Cosmetox en 2007. Conservateurs de synthèse, colorants, PEG, paraben… Se faire...

Slogan lancé par Greenpeace à l’occasion de son guide Cosmetox en 2007.

Conservateurs de synthèse, colorants, PEG, paraben… Se faire une beauté au détriment de sa santé, pas question ! Accusés d’effets toxiques sur l’être humain, tous ces ingrédients issus de la pétrochimie ternissent l’image de la cosmétique conventionnelle qui propose une alternative écologique offensive. Les professionnels de la beauté au naturel enrichissent l’offre de jour en jour. Mais, de quelle cosmétique bio s’agit-il ?

Métaux lourds, hydrocarbures, dioxines (PCB), OGM, pesticides sur les végétaux, résidus médicamenteux (antibiotiques de synthèse, anabolisants) sur les produits animaux comme la cire, le lait… Qui voudrait bien s’enduire le corps de ce cocktail chimique ? Personne ! Pourtant, une femme s’applique environ 80 composants chimiques sur la peau par jour en pensant prendre soin d’elle et de sa beauté. Il est temps de réagir.

En juillet 2007, Greenpeace lançait un pavé dans la mare avec la publication du guide Cosmetox et son slogan : “Pas de toxique dans mes cosmétiques”. Dans le même temps, la Commission européenne mettait sur pied le règlement REACH (1) afin de mesurer et diminuer les risques induits par les produits chimiques, quels que soient les domaines.

Conscients du problème, nombre de consommateurs portent un regard neuf sur la cosmétique écologique et biologique qui protège la nature et les hommes.

Naturelle et biologique sont les maîtres mots. Les végétaux, les minéraux, les produits animaux (sous couvert que leur vie ne soit pas mise en danger) sont les matières de prédilection. Suivant les cahiers des charges (lire en encadré), la part et le mode de calcul des ingrédients bio varie. Les ingrédients de synthèse et les process de transformation faisant appel à l’industrie pétrochimique sont, par principe, interdits. L’eau, qui arrive souvent en premier sur la liste des ingrédients, peut-elle être bio ? Non, sauf s’il s’agit d’eaux florales, issues de fleurs cultivées en bio. La plupart des labels de cosmétique bio et écologique ne pose pas de contraintes supplémentaires, autorisant l’eau potable. “Il faudrait plus travailler sur sa qualité, convient Samuel Gaborit, président de l’association Cosmebio, non pas en terme chimique – la molécule d’eau restera toujours une combinaison d’hydrogène et d’oxygène – mais sur le plan de l’énergie, de son dynamisme” (2). Même de qualité supérieure, l’eau entraîne le produit vers sa dégradation à plus ou moins long terme. Or, pour stabiliser la formule, des agents conservateurs semblent indispensables.

L’hibiscus peut être utilisé en cosmétique comme actif antioxydant, pour prévenir du vieillissement cutané ou comme colorant végétal.

“Sans conservateur”, cette mention fièrement avancée sur certains contenants veut dire sans conservateur listé au niveau européen ! “La réglementation impose que le produit se conserve !”, rappelle Samuel Gaborit. C’est d’ailleurs l’un des griefs faits à la cosmétique écologique et bio : certains pots, une fois ouverts, doivent être utilisés dans les 3 mois… c’est court… Pour atteindre les 9 mois respectables, la plupart des cahiers des charges autorisent quelques conservateurs de synthèse considérés comme incontournables. Ecocert, pour sa part, accepte, outre l’alcool benzylique, les acides sorbique, benzoïque, salicylique, enfin l’acide déhydroacétique (DHA) et ses sels. Qualité France, qui dispose de son propre cahier des charges, autorise, en plus, l’acide formique et propionique (mais pas le DHA). Mais, au total, pour l’un ou l’autre, la part des ingrédients issus d’une synthèse pure ne peut représenter qu’au maximum 5 % de l’ensemble des ingrédients sur le produit fini.

Sans conservateur”, veut dire sans conservateur de synthèse listé au niveau européen ! La réglementation impose que le produit se conserve” Samuel Gaborit, président de Cosmebio.

Indispensables les conservateurs de synthèse ? Pas si sûr. Des marques font très bien l’impasse. Outre l’alcool qui a le défaut d’agresser la peau, d’autres ingrédients sont dotés de propriétés conservatrices naturelles. À commencer par les huiles, végétales ou essentielles, fer de lance des créations des Douces Angevines qui proposent toute une gamme de “cosmétofluides”. Le fabricant belge Noble House, lui, a jeté son dévolu sur l’huile de palme rouge bio qui, riche en vitamine E et antioxydants, est un excellent conservateur, tout comme nombre d’acides issus de végétaux, comme l’extrait de radis. Les Douces Angevines réinventent la poudre avec des masques et gommages sous cette forme, de même que Centifolia avec ses dentifrices. “Un conservateur tuerait toutes les bactéries de la bouche, or, elles ont un rôle”, explique son co-dirigeant, Dominique Delarche. Enfin, il existe des solutions mécaniques, notamment le système Airless qui, en retirant l’air du contenant, en évitant le contact du produit avec les doigts, ralentit la détérioration du soin.

Se passer complètement de la pétrochimie, c’est possible, martèle Dominique Delarche qui vend gels douche et shampoings 100 % naturels. C’est une question de prix. Quand un conservateur de synthèse coûte 3 euros/kg, son équivalent sans pétrochimie est vendu 43 euros/kg !

La macération est l’une des techniques employées par les Douces Angevines pour extraire des fleurs tout leur potentiel ; ici, des roses de Damas.

Les procédés physiques (séchage, broyage, pression à froid, entraînement à la vapeur d’eau…), les procédés chimiques simples existant dans la nature (fermentation, oxydation…) et ceux complexes considérés comme incontournables (saponification, estérification, hydrogénation…) sont autorisés. Les processus chimiques de synthèse pure sont interdits comme la déterpénation (autre qu’à la vapeur d’eau), l’ethoxylation (PEG…), ainsi que les techniques faisant appel aux manipulations génétiques, à l’ionisation, à l’irradiation, au mercure et à l’oxyde d’éthylène. La chimie du chlore est aussi exclue.

Ces restrictions limitent le champ des possibles. “Les produits coiffant ou démêlant posent problème, avoue Samuel Gaborit. En mode naturel, on a du mal à refaire des polymères qui gainent les fibres”. Oubliez aussi les envies de décoloration ou de frisure des cheveux (3). Tout du moins jusqu’à la dernière innovation car le milieu ne cesse de trouver de nouvelles parades pour proposer l’équivalent bio de ce qui existe en conventionnel.

Vivre longtemps sans vieillir

La badiane chinoise ou anis étoilé dégage un parfum doux et épicé apprécié dans les concrètes de parfum ou les dentifrices.

Anti-rides, sérums physiologiques, anti-oxydants… la cosmétique anti-âge fait son entrée dans la sphère bio et écologique. Présent naturellement dans divers tissus du corps, comme la peau, le cartilage, l’acide hyaluronique est utilisé en médecine esthétique pour combler les rides ou en remplacement du collagène. Il peut être certifié bio à condition que son mode d’obtention appartienne à la liste de ceux autorisés par les cahiers des charges bio. Pour exemple, la marque Patyka fait fermenter la bactérie lactique Bacillus Subtilisus dans un milieu standardisé de glucose et de peptides provenant de blé biologique. Lorsqu’elle a atteint la taille adéquate, cette bactérie est changée d’environnement et réagit en synthétisant une coque d’acide hyaluronique. L’ajout de bioéthanol – issu de la betterave à sucre bio – permet d’obtenir une poudre incorporée dans la crème anti-ride. Rien à voir avec l’acide hyaluronique obtenu par voie chimique ou via des bactéries génétiquement modifiées ! Peut-on en conclure que la cosmétique biologique répond aux mêmes sirènes que l’industrie conventionnelle ? “Sur le marché du bio, il y a comme un frein envers la cosmétique anti-âge, analyse Samuel Gaborit, également à la tête de Nature et Stratégie qui détient la gamme d’hygiène et de soin bio Coslys. Un élixir de jouvence doit faire rêver. Or, pour l’heure, seules une poignée de marques très grand public détiennent ce pouvoir de séduction”.

Bio et glamour

Des marques comme Nominoë poursuivent l’ambition d’une cosmétique chic et écolo.

Rétrograde, mal ficelée, inesthétique ou baba-cool. Les secrets de beauté bio semblaient, par le passé, interdits du monde brillant de LA cosmétique, celle qui dilate les pupilles. Fortes de ce constat, de nouvelles entités ont voulu démontrer que Bio et Glamour n’étaient pas antinomiques, bien au contraire. Délaissant les huiles essentielles aux odeurs incommodantes et parfois sources d’allergies, des marques comme Nabioka comme Nominoë poursuivent l’ambition d’une cosmétique chic et écolo. “On essaie de se démarquer par le packaging, le design, afin de donner une image d’élégance, de sobriété, explique Jérémias Martins, co-fondateur de Nominoë. “Sans huiles essentielles ni ajout d’alcool, nous avons réussi à obtenir une texture qui pénètre rapidement, qui ne colle pas, pour un rendu optimum”, explique de son côté Charlotte Reveillère, représentante de Nabioka. “J’ai bien conscience que la cosmétique bio est perçue comme sécuritaire mais n’est pas encore synonyme de plaisir”, avoue cette dernière en constatant que les mamans qui adoptent pour leur bébé une gamme de toilette bio ne changent pas leurs habitudes d’achat personnel. Cependant, cette envie d’habiller l’esthétisme au naturel avec quelques paillettes, pour attirer une clientèle encore sceptique, n’évince pas le véritable atout de la cosmétique bio, à savoir sa naturalité.

Aujourd’hui, plus de 500 marques de cosmétique sont certifiées bio et distribuées sur le marché français. “Des 100 % d’origine naturelle, il en existe une vingtaine, pas plus”, estime Sophie Macheteau, créatrice de l’agence de relations presse Bionessence. “Beaucoup des produits Cosmebio sont constitués à plus de 99 % d’ingrédients d’origine naturelle !”, rétorque le président de Cosmebio. “La mention “Pourcentage d’ingrédient d’origine naturellepose question, poursuit Sophie Macheteau. Finalement, on dénature pas mal les choses. Pour ne pas tromper le consommateur, il faut trouver un bon compromis entre innovation et naturalité”. Jusqu’à quand un ingrédient naturel le reste quand on le transforme ? Sachant que la saponification, l’oxydation, la fermentation sont des réactions chimiques dont certaines existent à l’état naturel. Si la dimension artisanale, le “fait main” apportent une réponse, la déontologie joue aussi le rôle de régulateur entre deux extrêmes.

Vers la cosm’éthique

L’éthique est l’un des enjeux majeurs de la cosmétique bio. En témoigne le président de Cosmebio, Samuel Gaborit : “Quand l’association Cosmébio a été créée, en 2002, nous n’étions que 10. On s’est beaucoup attaché aux règles techniques, mettant peu en évidence les ambitions déontologique, sociale ou environnementale de l’association. Désormais, Cosmebio et ses membres veulent s’engager sur ces volets. Il faudrait aller plus loin pour que les entreprises changent vraiment leur mode de fonctionnement”. Les ingrédients végétaux pourraient également être sélectionnés dans l’idée de favoriser la biodiversité. Aujourd’hui, pour qu’un produit soit labellisé Cosmebio, il faut qu’au moins 60 % de la gamme respecte le cahier des charges ad hoc. A l’avenir, sur le modèle de Nature et Progrès, l’association pourrait pousser ses membres afin que 60 % des produits fabriqués par l’entreprise respecte l’ambition bio et écologique de Cosmebio. “Les règles techniques sont importantes, mais le comportement ne l’est pas moins. Il faut, à mon sens, inscrire l’éthique dans le label”, résume Samuel Gaborit.

Alors, comme le soutient Garnier, le futur sera-t-il bio ? Oui, répondent sans conteste les professionnels du milieu qui revendiquent une cosmétique bio, efficace et ambitieuse.

Gaëlle Poyade

(1) Enregistrement, évaluation, autorisation et restrictions des substances chimiques.

(2) Lire “Eau Secours” (Echobio n°25 ; p32).

(3) lire “Les cheveux donnent le ton” (Echobio n°20).

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La cosmétique bio : c’est les logos !

Rappelons que les différents cahiers des charges intègrent ou pas l’eau dans le pourcentage d’ingrédients bio. Or, cette dernière n’étant pas certifiable, elle fait baisser ce pourcentage. Ainsi, pour une crème contenant 50 % d’eau et 50 % d’ingrédients bio, on peut lire :

– “Crème 100 % bio” si le cahier des charges n’englobe pas l’eau dans le calcul des ingrédients bio (par exemple avec le label américain NOP) ;

– “Crème comprenant 50 % d’ingrédients bio” si le cahier des charges intrègre l’eau dans le calcul, comme le recommande la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

NaTrue va plus loin. La distillation de roses bio (500 kg) à partir d’eau (500 kg) donne 600 kg d’eau florale de rose bio. NaTrue considère que seule la moitié de cette quantité, soit 300 kg, peut être comptabilisée comme bio.

-Ecocert/Cosmebio/Qualité France

• Cosmétique Écologique : 5 % minimum du total des ingrédients doivent être issus de l’agriculture bio (soit 50 % minimum des ingrédients végétaux de la formule).

• Cosmétique Biologique : 10 % minimum du total des ingrédients doivent être issus de l’agriculture bio (soit 95 % minimum des ingrédients végétaux de la formule).

Dans les deux cas, 95 % minimum du total des ingrédients doivent être naturels ou d’origine naturelle.

A noter que l’association Cosmebio reconnaît les cahiers des charges Ecocert et Qualité France. Aussi les entreprises qui adhèrent Cosmebio peuvent-elles apposer, en plus du label Ecocert ou Qualité France, le logo Cosmebio.

-BDIH

Cosmétiques formulés à partir de matières premières naturelles issues du règne végétal ou minéral. Mais aucune obligation quant à un pourcentage minimal d’ingrédients bio.

-NaTrue

• Trois niveaux : Cosmétiques naturels ; Cosmétique naturels en partie bio et Biocosmétiques. Pour ce dernier, le produit doit contenir au moins 20 % de substances naturelles non modifiées chimiquement et au maximum 15 % de substances transformées d’origine naturelle. Le pourcentage minimum d’ingrédients bio varie de 19 % à 85,5 % suivant les familles de produits.

Rappel : pour NaTrue, “Bio” et “Issu de Bio” (avec modification chimique de la matière première) sont différenciés ; ils ne sont donc pas comptabilisés de la même façon.

Enfin, au moins 75 % des produits d’une même série (dans le sens d’un nom de marque) doivent être certifiés par l’un de ces 3 labels.

-Nature et Progrès
Les ingrédients utilisés doivent être sous mention Nature & Progrès (cette association, fondée en 1964, est l’origine des 1ers cahiers des charges bio), Simples, Déméter ou certifiés Agriculture Biologique suivant le règlement européen en vigueur. De fait, Nature et Progrès est le seul à flirter avec une cosmétique 100 % bio.

Au minimum 70 % des produits cosmétiques de l’entreprise doivent répondre aux critères techniques du référentiel. De plus, l’adhérent doit évoluer vers 100 % Nature & Progrès, sur toute son activité, dans un délai de 5 ans.

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Les tendances du marché

Le secteur de la cosmétique naturelle représente moins de 5 % du marché total des cosmétiques français. Mais, vu le dynamisme du secteur, il pourrait en représenter 30 % en 2017 !

D’après l’étude réalisée en 2009 par l’association Cosmebio qui fédère quelque 300 entreprises de cosmétiques biologiques, les soins visage et corps représentent 57 % des 1426 produits enregistrés tandis que l’hygiène seulement 15 %. Ils sont vendus principalement dans les pharmacies et parapharmacies (32 %), en magasins bio (27 %), dans les instituts de beauté (20 %), ou par correspondance (18 %). Seuls 3 % de ces produits sont référencés en Grande et moyenne surfaces (GMS). À noter, de 2008 à 2009, la part de marché des magasins bio a baissé de 7 points tandis que les officines, les centres de soins et la VPC ont progressé.

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Des magasins spécialisés en cosmétique bio

Les rayons ne cessent de s’étoffer en cosmétiques certifiés. Si les entreprises qui se lancent sur ce segment privilégient la vente sur Internet, la concurrence s’y fait de plus en plus rude. Phénomène nouveau, le concept de magasin spécialisé en cosmétique bio émerge. Sur Paris, Mademoiselle Bio dispose de 9 points de vente qui proposent quelque 2000 références. Toujours sur la capitale, Nopeg (No Polyethylène Glycol) est un magasin indépendant qui jouit d’un espace détente avec salon de lecture, animations, hammam et cabines de soin… Car, au-delà de la simple boutique, certaines marques investissent le champ de la beauté en ouvrant des instituts de soins. C’est le cas de l’Espace Weleda à Paris qui propose des soins du visage ou du corps, divers ateliers comme la relaxation des pieds et jambes, l’initiation au massage duo ou encore le massage des seins. Ou bien de Melvita, pionnier de la cosmétique bio depuis 1983. L’entreprise ardéchoise a ouvert, cet été, sa première éco-boutique dans le 6e arrondissement de Paris, proposant plus de 250 produits certifiés bio et 600 ingrédients naturels. Se spécialisant encore davantage, Houppette et Compagnie se veut le lieu du maquillage bio. Créée en mai 2010, la boutique référence 7 marques de maquillage tout en proposant des soins. À quand les parfumeries ou les salons manucures exclusivement bio ?

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