Dans la banlieue de Rio, des femmes cultivent bio

Alzoni da Salva Fausto, la présidente d’Univerde. Alzoni, Joyce, Josyane… habitent Nova Iguaçu, dans la grande banlieue de Rio, à...

Alzoni da Salva Fausto, la présidente d’Univerde.

Alzoni da Salva Fausto, la présidente d’Univerde.

Alzoni, Joyce, Josyane… habitent Nova Iguaçu, dans la grande banlieue de Rio, à l’écart de toute modernité. Depuis 2008, ces femmes ont pris leur avenir en main en créant Univerde, une coopérative agricole de maraîchage bio.

 

Nova Iguaçu se situe à 50 km à peine de Rio, la mégapole,mais le contraste est frappant.Ici, les routes se transforment en pistes poussiéreuses et chaotiques où se frôlent des chevaux, des motos et un bus. Quelques commerces et un marché animent depuis peu le gros bourg, curieux mélange d’urbanité désordonnée et de ruralité. En quittant le centre-ville, des jardins potagers dessinent un autre paysage. Ces jardins sont l’œuvre de la coopérative Univerde fondée en juin 2008 par Alzoni da Salva Fausto, la présidente, une petite femme souriante et énergique. “Nous nous sommes réunies avec une vingtaine de femmes, car nous en avions assez de la vie que nous menions, raconte-t-elle. La plupart d’entre nous étaient obligées d’aller loin en ville pour faire des ménages ou travailler dans des commerces, en passant de longues heures dans les transports. Et nous laissions nos enfants à d’autres.

 

Terres en friche

Ces femmes, la plupart d’origine rurale, issues de familles d’agriculteurs sans terre, ont alors l’idée de cultiver les seules terres en friche de la commune en maraîchage agro-écologique. Ces terres se situent sur l’emplacement de l’oléoduc de Pétrobras (Compagnie brésilienne de pétrole) qui amène le pétrole du port de Rio jusqu’à la raffinerie. Pour mener à bien ce projet un peu fou, elles créent la coopérative Univerde et reçoivent le soutien du CCFD Terre Solidaire et de l’AS-PTA, l’association brésilienne pour l’agriculture familiale et agro-écologique. Ce réseau, qui fournit une assistance technique et financière, vise à encourager l’autosuffisance alimentaire et à améliorer la santé des familles par une meilleure alimentation, tout en préservant l’environnement.

Contacté, Pétrobras répond positivement. En contrepartie, la société demande de nettoyer le terrain qui servait de décharge, de le garder propre et de veiller à ce que les racines des plantations ne dépassent une profondeur de trente centimètres pour ne pas endommager l’oléoduc, creusé à un mètre de profondeur. Celui-ci est surveillé en permanence par un monitoring pour éviter toute fuite. À raison d’une parcelle de 1 000 m2 par foyer, une vingtaine de lots est distribuée à des familles volontaires de Nova Iguaçu.

 

L’agro-écologie urbaine, une solution pour les femmes des banlieues de Rio.

L’agro-écologie urbaine, une solution pour les femmes des banlieues de Rio.

Agro-écologie urbaine

Marier le transport du pétrole avec l’agro-écologie, il fallait oser ! “Pour nous, il s’agit simplement revenir aux méthodes de nos parents et grands-parents. Nous n’avons besoin ni d’engrais, ni de pesticides, seulement d’un bon compost.” Aujourd’hui, seize familles produisent deux tonnes par mois de légumes frais. La planification de la production est faite de façon collective afin de s’ajuster à la demande en chou portugais, salade, maïs, betterave, carotte, manioc, herbes aromatiques comme la coriandre, le basilic ou les petits piments rouges…

Les récoltes sont faites par la communauté, les légumes vendus une fois par semaine sur le marché de Nova Iguaçu, et aussi depuis peu à la cantine de l’école. Chaque jardin a son puits équipé d’une pompe. Joyce, associée et fondatrice de la coopérative, gère son jardin. “Avant, j’étais cuisinière à Rio, je ne rentrais que le week-end, témoigne-t-elle. Grâce à la coopérative, j’ai plus de temps pour m’occuper de mes enfants.

 

Meilleure santé

Poussant une barrière qui délimite les terrains voisins, Joyce fait découvrir sa parcelle. Ce qui saute aux yeux, c’est l’abondance de fleurs butinées par de nombreux insectes pollinisateurs entre les rangées de légumes, salades rebondies, choux, aubergines, pommes de terre et plantes aromatiques. “Je fais des rotations de cultures chaque année, précise-t-elle. Depuis que je suis agricultrice et membre de la coopérative, j’ai pu mettre des sous de côté. Avant, je vivais dans une seule pièce avec mes quatre enfants. Au bout d’un an, j’ai pu construire deux pièces supplémentaires et une salle de bain, sans oublier que la santé de ma famille est meilleure parce que nous mangeons les légumes des jardins.

 

La compagnie pétrolière Pétrobras a donné son feu vert au projet.

La compagnie pétrolière Pétrobras a donné son feu vert au projet.

Bel exemple de développement durable

La plus grande fierté pour Alzoni, la présidente de la coopérative, c’est de contribuer à l’amélioration de la vie du quartier. “Depuis que nous existons, la municipalité a commencé à goudronner les routes et à créer un réseau d’assainissement. Les élus nous écoutent et répondent à nos demandes, notamment pour la construction d’une crèche pour les enfants.

Pour gagner encore en autonomie, les femmes viennent de construire une serre, “et nous allons produire nos propres plants et semences en persil, coriandre, tomate, aubergine et trois espèces de choux”. Rosalita l’approuve d’un signe de tête. Elle est aussi agricultrice et membre d’une association du Nordeste en zone aride parrainée par le réseau AS-PTA ; elle se bat contre les OGM et pour les droits des femmes. Elle est venue avec une petite délégation rencontrer les agricultrices d’Univerde, comparer leurs expériences et offrir leurs semences baptisées “les semences de la passion”. Cette rencontre a touché Rosalita. “Au premier abord, dit-elle, on pourrait penser que Univerde est une expérience à petite échelle avec peu de personnes impliquées, mais on comprend combien cette expérience a été importante pour la vie de ces femmes et tout ce qu’elle a changé dans leur quotidien. Elles faisaient un travail en ville qui ne les rendait pas heureuses. Aujourd’hui, elles sont leur propre patron. Elles sont proches de leurs enfants et surtout, elles ont gagné l’estime d’elles-même et c’est très important !

De l’amour, de l’imagination de la solidarité, ce n’est pas ce qui manque aux femmes d’Univerde. Un bel exemple de pugnacité et d’espoir !

 

Myriam Goldminc

 

rio3Motiver les jeunes à rester

Josyane, à tout juste 20 ans, suit les traces de sa mère, Alzoni da Salva Fausto. Membre d’Univerde, elle partage son temps à jardiner avec elle, dans la parcelle familiale, et à donner un coup de main à la coopérative. Elle étudie aussi à l’université, où elle suit un cursus d’éducation populaire sur l’environnement. “J’espère vraiment motiver les jeunes à rester ici pour pratiquer l’agro-écologie plutôt que de partir en ville, explique Joysiane avec un large sourire. Je les incite à s’investir dans la coopérative ou dans leurs projets personnels. L’avenir se joue ici et maintenant. J’essaie de faire comprendre que l’agriculture ne peut survivre sans être en relation avec l’environnement ; cela ne peut marcher qu’avec un certain amour de la terre.”

 

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