Fromages bio et AOC

La ferme du Champ Secret , en Normandie, est la seule à fabriquer du Camembert bio AOP fermier. En unissant...

Camembert champ secret

La ferme du Champ Secret , en Normandie, est la seule à fabriquer du Camembert bio AOP fermier.

En unissant deux exigences fortes, le respect de l’environnement par de bonnes pratiques d’élevage et une fabrication artisanale et locale, le tandem bio et AOC est la meilleure des garanties dans l’univers complexe des fromages bio.

 

Rappelons que c’est la politique française de valorisation des produits agricoles, via l’appellation d’origine contrôlée (AOC), qui a inspiré l’élaboration d’une réglementation européenne dont le but n’est autre que d’harmoniser les labels régionaux. Ainsi l’AOC a pour équivalent européen l’AOP (appellation d’origine protégée). Comme le label français, la mention AOP figure sur tous les produits européens dont la production, la transformation et l’élaboration sont réalisées dans une zone géographique déterminée, selon un savoir-faire reconnu et un cahier des charges particulier. On ne parle alors plus de Comté AOC mais de Comté AOP car, depuis le 1er janvier 2012, les produits concernés ne doivent porter que la mention AOP (à l’exception des vins autorisés à garder la mention AOC).

De nos jours, l’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao) recense une quarantaine de fromages labellisés AOP, comme le Camembert de Normandie, le Livarot, le Pont-l’Evêque, le Comté, le Crottin de Chavignol, le Pélardon… et des demandes sont en cours pour le Gruyère, le Mâconnais…

Nombre de fromagers bio respectent ainsi divers cahiers des charges AOP. C’est le cas de Biogam qui collecte 32 éleveurs de vaches bio en Lorraine et commercialise pas moins de 13 sortes de fromages, en plus d’une large gamme laitière. Son atelier – la Fromagerie de la Meix, à Reillon (Meurthe-et-Moselle) – fabrique et affine notamment du Munster AOP. Du Brie de Meaux bio et AOP se vend aussi sous son effigie. Un tandem qui présente certains avantages, comme l’explique Georges Prost, le gérant de Biogam. “Ce lait est collecté à part et emmené dans une fromagerie partenaire. Comme bien souvent, les quantités de lait bio sont petites. Mais, puisque l’appellation Brie de Meaux AOP oblige au caillage en bassine, les petits volumes ne sont plus un frein”.

Les fromages Biogam, 100 % bio, sont les grands promoteurs de l’agriculture lorraine. La création en 2012 d’un atelier et d’une filière pour pâte pressée cuite (Emmenthal) au sein de la Fromagerie de la Meix, en est une preuve récente. “Notre organisation et notre développement sont motivés par une volonté de transformer régionalement, défend Georges Prost. Il n’existe pas d’autre fromagerie-laiterie qui fasse autant de diversité”. Associer le sigle AOP au label bio, c’est réunir deux valeurs fondamentales : la préservation de l’économie locale et la défense de l’environnement.

 

AOC et bio : la niche dans la niche

Toutefois, jongler avec ces deux mentions n’est pas toujours une mince affaire, comme le souligne Jean-Pierre Servant, directeur de la Fromagerie Gillot. “Notre atelier principal est consacré au Camembert AOP, mais notre Camembert bio n’est pas labellisé AOP parce qu’il n’est pas moulé à la louche”. Une manipulation de plus qui ferait encore grimper le prix sachant que le lait collecté est aussi payé plus cher ? “Chaque chose en son temps, suggère Jean-Pierre Servant. Il faut régler les problèmes de transformation, de volume, de débouchés…” Aussi la Fromagerie Gillot met-elle sur le marché quelque 26 000 Camemberts AOP par jour, mais seulement 15 000 estampillés bio par semaine.

 

Camembert : la triple entente

C’est une sorte de “baffe” que les époux Mercier ont donnée à l’univers du fromage industriel en fabriquant le 1er et unique Camembert bio, AOP et fermier (BAF). Éleveurs de vaches Normandes dans l’Orne, Patrick et Francine Mercier ont inauguré, en 2012, la fromagerie “Le Champ Secret”. Aujourd’hui, quelque 300 Camemberts s’y épanouissent chaque semaine, une production qui devrait doubler dès 2014.

À cinquante ans, leur motivation réside dans la défense du véritable Camembert fabriqué en Normandie à partir du lait cru de vaches normandes. De nos jours, les industriels font fi de ces spécificités (1) et la majorité (70 %) emploie le lait – beaucoup moins riche – de Prim’Holstein.

Par l’intermédiaire du Comité de défense du véritable Camembert, Patrick Mercier a porté l’affaire devant les tribunaux. Il dénonce cette mention “Fabriqué en Normandie” apposée sur tous les Camemberts qui ne respectent ni le savoir-faire traditionnel (moulé à la louche), ni n’utilisent le lait de Normandes, et se contentent de conditionner sur le sol normand. “Comme nous ne demandons que l’application de la loi, on peut espérer un 1er jugement favorable cette année”, affirme-t-il.

Bio, AOP, fermier, comment tous ces signes de qualité cohabitent-ils ? “En 2010, quand nous avons restructuré la ferme et rassemblé les terres, nous nous sommes décidés à demander la certification bio – on travaillait à 90 % suivant les méthodes bio. Aujourd’hui, on se rend compte que, sur le plan commercial, ce label est d’une très grande aide”. Les Camemberts ne sortent plus en secret, ils rejoignent au grand jour les magasins spécialisés, les épiceries, les crémeries, les boucheries comme les grossistes. Ici, le caractère bio renforce la crédibilité des autres signes de qualité.

 

Gaëlle Poyade

 

(1) Sans mention de l’AOP, le Camembert peut se fabriquer partout dans le monde à partir du lait pasteurisé de n’importe quelle race de vache, voire de chèvre !

 

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