
Sucre de betterave roux, sucre de canne quasiment blanc, vergeoise, cassonade, candi… le sucre n’est pas aussi cristallin qu’il y paraît. Le point sur ces différentes appellations.
Le sucre de betterave, de sa découverte à sa production
Bien qu’il ait été découvert en France après la canne à sucre, soit au début du XIXe siècle, le sucre de betterave est rapidement devenu une référence incontournable. La France est d’ailleurs le 1er producteur mondial. S’il est possible de cultiver la betterave suivant les règles de l’agriculture biologique, aucune surface bio n’est recensée dans l’Hexagone (1). En cause, un process de transformation dominé par de grosses unités industrielles, elles-mêmes pilotées par une filière céréalière soutenue par la PAC. La Politique agricole commune réglemente en effet la culture de la betterave sucrière dans l’Union européenne. Chaque pays dispose d’un quota de production autorisé en dessous duquel le prix est garanti, à un niveau supérieur au cours mondial. On comprend mieux le peu d’allant des producteurs pour convertir leurs cultures à la bio. Ce, même si la transformation de la betterave sucrière serait possible en bio. “Outre la 1ère étape pour obtenir le jus sucré – coupe et broyage pour la canne à sucre ; coupe en cossettes puis trempage dans l’eau chaude pour la betterave –, les étapes de fabrication suivantes sont les mêmes”, atteste l’organisme certificateur Ecocert consulté sur le sujet. Rappelons que, pour la transformation de denrées bio, seuls les procédés mécaniques, thermiques, pneumatiques ainsi qu’une liste restrictive d’additifs et d’auxiliaires technologiques sont autorisés.
Reste que le sucre de betterave, dépourvu de micro-nutriments, n’a que peu d’intérêt nutritionnel, ce qui explique aussi pourquoi la filière bio n’est guère attirée par cette production locale.
Raffinage
Sa transformation à partir des racines de betterave donne un sucre blanc. Naturellement blanc, entend-on. Par conséquent, le sucre de betterave est-il raffiné ou pas ? Qu’entend-on par “raffinage” ? Si l’on s’en tient à la définition d’Ecocert qui le décrit par des opérations de “purification et décoloration”, alors oui. L’organisme certificateur atteste que le raffinage est possible en bio tout en précisant que “l’utilisation de résines échangeuses d’ions pour la décoloration est interdite, tandis que le charbon activé est autorisé”. En tout état de cause, le raffinage chimique est interdit en bio.
Et du côté du sucre de canne, qu’en est-il ? S’il existe du sucre blanc de canne, il est donc forcément raffiné, c’est-à-dire débarrassé de ses pigments. Mais il n’est ni le plus fréquent, ni le plus flatteur ambassadeur du sucre de canne, a fortiori en bio ; décliné du blond au roux, il offre le meilleur de ses propriétés quand il est vendu sous la mention “complet”.
Blond, roux, noir
Rappelons que plus le sucre est clair, moins il a de matières minérales… et plus son goût est neutre. Les teintes, de brun foncé à légèrement roux, dépendent du taux de mélasse incorporé. Ce sirop noir très épais et très visqueux résulte du raffinage du sucre. Après que les cristaux de sucre ont été recueillis par centrifugation, il reste ce sirop moins calorique que le sucre et riche en sels minéraux. Vendue en pots domestiques, la mélasse est surtout utilisée dans la production de rhum industriel.
Attention, une couleur foncée n’est pas le gage d’un sucre peu raffiné. “Le sucre roux, comme le rappelle sur son site la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), est issu du sucre de betterave ou de canne non aromatisé, sa coloration résulte de substances provenant de la matière première d’origine”. Il n’y a donc pas de lien entre cette couleur et le caractère complet du produit.
“Le mascobado ou muscovado fait, par exemple, partie de cette catégorie, explique Christine Halbitte, responsable qualité chez Raiponce, distributeur de la marque Rapunzel. Avec une étape de raffinage mécanique, il est intermédiaire entre le blond et le complet”. À noter, la dénomination “cassonade” est réservée au sucre roux cristallisé issu directement du jus de la canne. La vergeoise, ingrédient des célèbres spéculoos, est sa petite sœur belge ou flamande.
Complet, le plus intéressant
Sucanat, rapadura, brut, intégral… nombre de termes tendent à qualifier un sucre de canne le plus complet possible. Ce type de sucre résulte du jus de canne entier. Simplement filtré et clarifié, il est chauffé pour s’épaissir avant d’être séché et broyé. Le rapadura, originaire du Brésil et du Costa Rica, et commercialisé en bio par la société Rapunzel, appartient à cette catégorie. “C’est le top des ventes”, constate Christine Halbitte qui précise que la qualité est très variable d’un rapadura à un autre. Avec une teneur en humidité importante, il est plutôt plébiscité par des consommateurs avertis. Très foncé, au goût caractéristique de caramel réglissé, il donne une saveur et une couleur particulières aux gâteaux et aux confitures. N’ayant subi aucun raffinage, le sucre complet conserve tous les sels minéraux, vitamines et acides aminés de la canne à sucre. Par conséquent, il se distingue nettement des autres formules.
En conclusion, il faut savoir raison garder. “Même si le complet est plus intéressant d’un point de vue diététique, rapporté à la consommation de sucre dans une journée, c’est bien peu d’éléments sains !, souligne la nutritionniste Solveig Darrigo (lire p. 27). Le sucre de canne bio, on le choisit pour une question d’éthique, et de plaisir. Au contraire du sucre blond, passe-partout, le sucre complet est un ingrédient à part entière. Grâce à lui, on “booste” une recette !”. Alors, même complet, même bio, il faut se méfier de cette douceur et regarder du côté des alternatives.
Gaëlle Poyade (1) “Les productions de betterave bio en Europe sont principalement en Allemagne et Autriche”, atteste le certificateur Ecocert.Le process sucrier
Qu’il s’agisse de betterave ou de canne, le procédé de transformation en sucre est le même, dès lors que les betteraves, lavées, ont été découpées en fines lamelles (cossettes) et les tiges de canne broyées. La matière sucrière est mélangée à de l’eau qui s’imbibe de sucre. Ce jus sucré comprend des impuretés mais aussi des sels minéraux, des composés organiques. Ensuite, du lait de chaux est ajouté qui attire les impuretés, puis du gaz carbonique (carbonatation) qui précipite le lait de chaux. Après la phase d’épuration, le jus est chauffé afin que l’eau s’en évapore et que le jus se concentre. Il devient alors sirop à 70 % de sucre. Tout en continuant à cuire, le sirop reçoit de fins cristaux de sucre glace pour l’ensemencer. Ces cristaux vont se nourrir du sucre sirop et grossir petit à petit. On obtient ainsi une masse cuite composée de nombreux cristaux enrobés de sirop. Ensuite, celle-ci est envoyée dans une essoreuse. Le sirop, appelé ici mélasse, est évacué sous la forme centrifuge tandis que le sucre, désormais cristallisé, se dépose sur les parois du panier. Il est enfin séché.