Récolter les algues bio : tout un métier !

Même si deux tiers des algues consommées en France sont importées (1), notre littoral en est très riche. La Bretagne,...

Même si deux tiers des algues consommées en France sont importées (1), notre littoral en est très riche. La Bretagne, et en particulier le Finistère, demeure l’une des zones les plus prolifiques. Ici, André Berthou exerce depuis 2003 le métier de récoltant d’algues.

André Berthou

André Berthou est récoltant d’algues bio dans le Finistère. Il présente ici de l’Ascophyllum nodosum.

Brunes, vertes ou rouges, les algues font le bonheur des quelque 79 récoltants professionnels qui évoluent sur 5 zones bien délimitées dans le Finistère. Ces « agriculteurs » − puisque c’est leur statut − parcourent les champs d’algues et en ramassent quelque 7000 tonnes par an dont un tiers reçoit le label bio. Parmi les algues brunes, les fucales composent les deux-tiers des récoltes. Suivent le kombu breton et le kombu royal. Les algues vertes, comme la laitue de mer, et les algues rouges (dulse, nori, pioca…) composent le reste des quantités collectées. Le plus grand nombre travaille à pied sur l’estran, transportant des sacs de plusieurs dizaines de kilos. « Jadis, les goémoniers s’aidaient des chevaux de trait qui, tout en tirant les lourdes charrettes débordant d’algues, se régalaient de palmaria, rapporte André Berthou. D’aucuns  circulent en quad, voire en tracteur mais nombre de communes voient d’un mauvais œil les véhicules sur la plage ». Le bateau est aussi employé ; à son bord, un treuil plonge au fond de l’eau pour ramener dans un grand mouvement circulaire − et spectaculaire − des laminaires, de longues algues brunes, épaisses et lisses ressemblant à des rubans  : ces navires, surnommés « goémoniers scoubidou », évoluent principalement en mer d’Iroise, et plus précisément dans l’archipel de Molène.

Bio en pleine nature ?

Comment certifier le caractère biologique de plantes qui poussent à l’état sauvage dans des espaces ouverts comme l’estran ou la pleine mer ? C’est là toute la difficulté, non moins dépassée puisque la certification bio est possible depuis 2010. En effet, un cahier des charges européen établit  les règles de récolte et de transformation des algues bio. Il repose sur les principes suivants :

-bonne gestion des ressources naturelles

-bonne pratique des récoltants

-bonne qualité de l’eau : bon état écologique et chimique (suivant le classement de la Directive Cadre sur l’eau (DCE) et les zones conchylicoles A ou B).

En pratique, quelles sont les contraintes ? Dans leur « coin », les récoltants s’engagent à ne prélever que 70 % de la biomasse. Prenons le cas de l’ascophyllum, cette algue brune dont les filaments sont décorés de petites boules (ces dernières d’ailleurs renseignent sur l’âge puisqu’une boule équivaut à une année). Au moment de la couper, les récoltants prennent garde d’en laisser au moins 30 cm sur site. En outre, en dehors des laminaires et du lichen, les algues ne doivent pas être arrachées mais coupées. Des zones de jachères sont aussi mises en place en fonction de la ressource et les dates d’ouverture des zones sont fixées par l’Ifremer.

Cueillette familiale

Quant aux particuliers, s’ils sont autorisés à ramasser des algues, ils n’échappent pas à la réglementation qui limite à la « consommation familiale » la quantité prélevée. Prenons l’exemple de la criste marine, cette algue très odorante qui pousse en bouquet jusque dans les interstices des murets (2). Sa récolte, toujours au couteau, doit tenir dans une poignée de main. « Les règles valent aussi pour les groupes des cours de cuisine emmenés sur la plage, rappelle André Berthou. Charge à l’animateur de les respecter et particulièrement les saisons ». Les arrêtés stipulant, chaque année, courant mars, les dates et zones ouvertes à la cueillette sont en ligne sur le site d’Initiative Bio Bretagne ()

Et les métaux lourds ?

Quel est le risque ? « C’est plutôt les laminaires ou le kombu qui posent question. Certaines années, il nous est interdit de les récolter car la teneur en arsenic est trop élevée, renseigne André Berthou avant de rassurer. Les seuils fixés par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) sont excessivement bas ;  la preuve, les Japonais se portent bien pour des quantités ingérées largement supérieures !

Gaëlle Poyade

(1)   Soit 180 000 tonnes d’algues consommées. Ce chiffre inclut l’usage comme additif alimentaire dans le secteur de l’agroalimentaire (carraghénanes, alginates…).

(2)   La belle se laisse d’ailleurs cultiver. Dans le Nord Finistère, des serres abritent des rangées de criste marine.

 

Vert de colère : les algues qui fâchent

L’algue verte (ulve) est aussi appelée laitue de mer.

L’algue verte (ulve) est aussi appelée laitue de mer (crédit photo : Guide de bonnes pratiques – récolte des algues de rive (Algmarbio – Initiative Bio Bretagne).

Appartenant à la famille des ulves, les algues vertes sont comestibles et d’ailleurs mangées ! Fraîche ou cuite, la laitue de mer est riche en fer, calcium, protéines, manganèse et vitamine C. Sa mauvaise réputation vient de sa prolifération suite au développement des nitrates dans l’eau, eux-mêmes provoqués, entre autres causes, par des pratiques agricoles intensives polluantes. On a tous en mémoire des tas d’algues en décomposition sur les plages ; l’odeur forte s’accompagne d’un risque d’intoxication quand la fermentation est très avancée. Mais certains font contre mauvaise fortune bon coeur. La société Olmix, spécialisée en alimentation animale, incorpore des algues vertes dans des produits à l’argile montmorillonite. Son projet Ulvance impliquerait des besoins à hauteur de 15 000 tonnes par an. Est-ce un modèle économique à développer, s’interroge André Berthou qui préfère encourager, comme d’autres acteurs de la bio, la réduction des pollutions responsables du développement des algues vertes.

 

 

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