Un verre de vin par jour, c’est bon pour la santé, entend-on, grâce aux antioxydants que contient le raisin. Sans en abuser, le vin est aussi synonyme de plaisir, de partage. Mais il sent parfois le soufre…
Faut-il boire des vins sans soufre ? La question est à la mode, tandis que fleurissent, dans les rayonnages des cavistes et des magasins bio, des bouteilles estampillées “sans soufre ajouté”, “No SO2”, etc. Fréquemment utilisés en agroalimentaire comme conservateurs, les sulfites sont accusés de provoquer maux de têtes, douleurs d’estomac. En effet, ils impactent la santé humaine, notamment en dégradant la vitamine B1, aussi appelée thiamine, qui participe au bon fonctionnement, entre autres, du système nerveux, et qui entre en jeu dans la dégradation de l’alcool. Les sulfites seraient également allergisants…
Pour limiter son emploi, l’Organisation mondiale de la santé a fixé à 0,7 mg/kg de poids corporel la dose journalière acceptable de sulfites. Or, quand on regarde les doses autorisées de sulfites dans les vins (lire le tableau ci contre), on voit qu’il vaut effectivement mieux en consommer modérément… Et si le règlement vin bio a fixé une limite plus basse que les vins conventionnels, il reste assez peu restrictif sur la question.
Des sulfites naturels
La mention “contient des sulfites” est obligatoire sur les vins qui contiennent au moins 10 mg/litre de sulfites. Mais même les vignerons qui ne sulfitent pas ou très peu leurs cuvées doivent l’indiquer… ce qui peut brouiller les pistes pour le consommateur. Explication : les levures indigènes présentes dans les vins produisent du SO2 “naturel” au cours de la fermentation. Isabelle et Bruno Perraud, vignerons à Vauxrenard, dans le Beaujolais, vinifient leurs vins sans soufre et sans intrants : “Les analyses indiquent des valeurs infimes de SO2 : entre 0 et 6 mg/litre. Mais sur les analyses, il est précisé que la marge d’erreur est de plus ou moins 10 mg/litre”. Résultat, pour être sûrs de respecter la réglementation sur l’étiquetage, ils doivent écrire sur leurs bouteilles : “contient des sulfites” – mention qu’ils peuvent toujours compléter : “Contient des sulfites naturels”… D’autres écrivent : “sans sulfites ajoutés”.
Des raisins sains
Apparus massivement en viticulture il y a une trentaine d’années environ, les sulfites, avec leur double action antioxydante et antibactérienne, se sont rendus indispensables dans la maîtrise des fermentations. Aujourd’hui, nombre de viticulteurs bio, soucieux de qualité et de santé, s’intéressent à la vinification sans soufre. Mais depuis la vigne jusqu’au chai, tout doit être pensé dans cette optique. Car vinifier sans soufre est très compliqué ! Il faut un raisin sain, sans maladie ni pourriture, une hygiène irréprochable au chai, des analyses de laboratoire régulières, et des techniques notamment pour maîtriser la température des cuves… Si compliqué qu’il ne faut pas non plus se leurrer : un vin sans soufre peut avoir reçu au cours de sa fabrication d’autres types d’intrants, ou bien avoir été chauffé… Est-ce préférable, que ce soit pour la santé ou pour le respect de la nature du vin ?
Des vins différents
Questionner, s’informer est donc plus que nécessaire pour les vins sans soufre. Confirmation avec Isabelle Perraud : “Nos vins ont besoin de pédagogie, d’explications. Non pas qu’ils s’en sortent mal, mais parce qu’ils sont tout simplement différents…” Et pour elle, à la dégustation, les vins sans soufre sont “plus expressifs, plus libres. Ce sont les vins que j’aime, des vins sur le fruit, avec de la vivacité… et très digestes !”