Bienvenue à la Violette de la Loire ! Cette carotte présente dans les magasins Biocoop est née du travail collaboratif des agriculteurs de Bio Loire Océan (BLO). De couleur rouge-violette à l’extérieur et orangée à l’intérieur, croquante, au goût parfumé longue en bouche, cette carotte est, pour l’instant, cultivée par Nicolas Oran, un jeune maraîcher bio installé à Corné, dans le Maine-et-Loire.
Baptisée La Violette de la Loire, cette carotte paysanne est issue du programme de recherche participative de l’association Bio Loire Océan, démarré en 2005 : « Cette initiative émane de la volonté et la curiosité de nos agriculteurs à se réapproprier la connaissance de la semence, un savoir-faire perdu depuis une quarantaine d’années », explique Cécile Morvan, coordinatrice de l’association. En carotte, le monopole du type Nantaise hybride longue, le plus souvent cultivée à partir de semences non traitées, restreint le choix des consommateurs. « Pour eux, la carotte reste un produit plutôt basique, avec un goût quelque peu standard, que seul le taux de sucre différencie », observe Nicolas Oran. Élargir et diversifier la gamme en couleur, en texture et en goût constitue un des objectifs de ce travail de sélection mené patiemment et passionnément. « Il s’agit aussi de chercher des variétés adaptées au terroir, aux conditions de cultures bio, donc plus résistantes. L’autre défi est de pouvoir produire aussi avec des variétés libres de droit », souligne le producteur.
Des variétés inventées par les agriculteurs
Ce projet a été mené avec l’aide de nombreux partenaires, dont Véronique Chable, chercheuse à l’Inra du Rheu et responsable du programme européen Solibam sur la sélection participative, ainsi que le semencier Germinance. La Bretagne, investie dans cette démarche, sert d’exemple : l’organisation de producteurs BioBreizh commercialise déjà plusieurs variétés paysannes issues de sélection participative, dont l’oignon rosé de Roscoff, le chou de Lorient, le brocoli violet du Cap…
Pour le projet de Bio Loire Océan, l’Agrocampus de l’Ouest basé à Angers a fourni des graines issues de la collection de semences du réseau Carottes et autres Daucus : il a suffi de 2 grammes de graines de 80 variétés populations anciennes de carottes pour démarrer ! Mises en culture et testées agronomiquement chez les producteurs, elles ont été évaluées sur leur aspect, leur qualité gustative, leur faculté de conservation. Un travail collectif de longue haleine : « On ne savait pas trop ce que l’on cherchait au départ. On a tâtonné, observé. C’est une approche passionnante que de faire revivre ces variétés abandonnées car considérées comme pas assez productives », confie Nicolas Oran.
Un coup de cœur
Parmi elles, une a particulièrement tapé dans l’œil de Nicolas Oran : l’anthocyanée de type Chantenais, dont on ne connaît pas spécifiquement le bassin d’origine. « J’ai eu le coup de cœur pour sa couleur dégradée et son goût particulier, confirmés par les dégustations collectives », se souvient-il. Sa sélection et multiplication démarre en 2007, à partir de la racine de carotte. « C’est une bisannuelle, il faut deux ans pour avoir les graines, et comme on effectue une sélection massale pour ne conserver que les caractères les plus intéressants − orangé du cœur, calibre pas trop gros, forme pas trop ronde, bonne conservation − cela prend du temps… Elle est évolutive, nous cherchons à l’améliorer, et à stabiliser ses caractères. »
Du marché au magasin bio
Depuis deux ans, elle est produite en petites quantités, et vendue avec succès sur les marchés alentour. Cette année pour la première fois, elle part en circuits plus longs, sur les plateformes de Biocoop. Pour débuter, 3 tonnes sont engagées d’ici janvier. « Ce partenariat vise à la faire connaître auprès du consommateur, et à la diffuser plus largement. » L’important est de faire savoir qu’elle est issue d’un travail de sélection participative et que ses semences sont libres de droit, autorisant les producteurs à les multiplier pour les ressemer, même s’ils ne peuvent ni les vendre, ni les échanger, ni les donner : « La notion de semences paysannes reste un peu floue pour le consommateur qui est attiré par la biodiversité en fruits et légumes ; c’est pourquoi nous expliquons notre démarche dans un flyer fourni au moment de la vente », explique Cécile Morvan. Un questionnaire est en ligne sur le site de l’association : pour qu’après dégustation, chacun puisse donner son avis… À terme, l’objectif serait de lancer un signe de reconnaissance sur les étals pour les variétés paysannes.
Christine Rivry-Fournier